L’avenir du retail physique repose sur sa capacité à raconter des histoires et non plus simplement à vendre des produits.

Plus de doute, il y aura un avant et un après 2017. Nous assistons cette année à la réinvention d’un commerce, qui tend à effacer la frontière entre le On et le Off, si complémentaires, et redonne au magasin physique un rôle bien particulier et ô combien primordial.

Qu’en pensent nos experts, Jean-Marc Mégnin, directeur général de Shoppermind, et Julien Reilbell, directeur général l’agence de retail design Altavia Pallas ?

Pourquoi cette année est-elle si particulière dans l’univers du commerce ?

Jean-Marc Mégnin : La volonté des pure players d’exister dans le monde physique s’est confirmée : Alibaba a racheté le réseau de magasins de proximité de produits frais  Hema ; Amazon s’est offert Whole Foods ; un partenariat a été noué entre Walmart et Google…  On ne peut plus dire que ces démarches sont seulement des tests isolés. Désormais, TOUS les pure players investissent dans le physique ! Et cela ne passe pas forcément par l’ouverture des magasins énormes ; ce qui importe vraiment c’est l’existence de points de contact avec la clientèle.

 

Julien Reibell : Beaucoup de levées de fonds initiées par les pure players sont en effet destinées à développer des réseaux physiques. Et ce processus touche aussi les nouvelles marques, comme Oh My Cream, qui sont nées sur le Net et qui ont compris que les magasins avaient une partition très importante à jouer et une vraie histoire à raconter.

Quelle est la spécificité de ces points de contact dans le monde physique ?

Julien Reibell : Ces lieux représentent un terrain privilégié pour entrer en relation avec les clients, partager un état d’esprit, une atmosphère propice à la convivialité, une véritable expérience. Et désormais, la recherche de rentabilité de ces points de vente n’est plus prioritaire ; l’objectif de la boutique change. Les achats se font en ligne ? Très bien. Que ce soit online ou offline, l’important est que le business se développe. La complémentarité entre le digital et le réseau physique (absolument nécessaire !) est revendiquée et bien exploitée.

 

Jean-Marc Mégnin : Le succès des différents projets lancés par les pure players s’explique par le fait que ces derniers pensent leurs magasins en fonction de ce qui se vend en ligne et des datas collectées sur le site internet. Le chiffre d’affaires au mètre carré d’un point de vente Warby Parker – le pure player américain des lunettes bon marché -, est 3 à 5 fois plus important que celui d’un opticien classique. Autre exemple ? Le nouvel Amazon bookstore, qui ne désemplit pas depuis son ouverture à Manhattan. On retrouve dans les rayons les ouvrages qui se vendent le plus en ligne, sur la zone de New-York. L’offre est personnalisée et c’est ce qui explique en grande partie le succès de la boutique.

 

Bookstore

A New-York, Amazon Books ne désemplit pas.

Dans ce contexte, comment envisagez-vous l’avenir du retail physique ?

Jean-Marc Mégnin : Nous vivons actuellement une période clé, de prise de conscience. Certains acteurs sont en train de réinventer un commerce, dans lequel le magasin a une place plus que jamais importante. Ce dernier doit absolument évoluer, et cela ne signifie pas qu’il doit juste se digitaliser. L’enjeu se situe ailleurs : le magasin doit devenir un lieu de vie et d’expérience, un espace « comme à la maison ». Il doit être vecteur de surprise et de nouveauté. L’objectif est de générer du trafic dans les magasins. Selon moi, l’avenir du retail physique repose désormais sur sa capacité à raconter des histoires et non plus simplement à vendre des produits.

 

Rituals

Rituals : Un enseigne hollandaise basée sur le rituel du bien être naturel

 

Julien Reibell : Pour conserver leurs clients, les enseignes et les marques doivent aussi proposer un service irréprochable et fluide, prendre en charge les visiteurs et les préserver au maximum de tous les irritants en magasin (les files d’attente par exemple !).

 

Aesop

Aesop : le minimalisme est une grande tendance du retail design pour laisser le produit s’exprimer seul.

 

Cette évolution passera-t-elle aussi par un changement d’acteurs ?

Julien Reibell : Tout à fait. Un nouvel écosystème se met actuellement en place. A Paris par exemple, des start-up se mettent à louer des petits espaces pour permettre aux marques d’y ouvrir des points de ventes éphémères. Demain, nous verrons sans doute beaucoup plus de marques ayant pignon sur rue, et beaucoup moins de distributeurs. Il s’agit là d’une vraie mutation du marché du retail, qui va voir ses acteurs changer.

 

Jean-Marc Mégnin : On peut même se demander si demain, les magasins auront vraiment besoin de murs ? Il n’est pas forcément stratégique d’être présent 100 % du temps. Je me souviens des Stéphanois – aujourd’hui camions Shopix – ces semi-remorques qui tournaient dans les villes moyennes et vendaient tout le matériel de bricolage sur les places de village. Voilà une approche intéressante, qui pourrait devenir la tendance de demain !

 

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